La terre est bleue comme une orange…

                                                                               par Claire
  
La terre est bleue comme une orange disait Eluard et il a fallu quelques millénaires pour qu’elle tourne autour de son axe !
La Terre, planète Terre, planète bleue ou encore Monde, autant d’expressions pour évoquer une même réalité, une même personnalité.
A l’origine Gaïa,  une déesse  identifiée à la '"Terre-Mère". Ancêtre maternelle des races divines,  elle enfante de nombreux monstres. Issue du chaos, elle unit tout sur la planète, unissant les
Océans et les isolant du feu du magma.

La naissance de la terre chez les Amérindiens est affaire de marche…

Au début, il n’y avait que de l’eau. Il a bien fallu trouver des animaux pour plonger vers le fond afin de ramener à la surface un peu de terre. Beaucoup périrent noyé en tentant la chose. Mais finalement il s’en trouve toujours un pour réussir, et voilà l’origine du monde, une toute petite île faite d’un minimum de boue ramenée du fond des abîmes liquides par un animal héroïque.
Puis, par les moyens de la danse, de la marche et de la course, chacun des êtres vivants, des lièvres aux humains, ont depuis eu la charge d’agrandir le domaine puisque c’est en marchant la terre que la terre s’étend.
Voilà pourquoi le lièvre sautille nerveusement, pourquoi le loup marche pendant dix ans, voilà pourquoi les humains sont capables de marcher si longtemps. Pour le nomade, marcher c’est faire la terre.

 

La terre est symbole de patience et d'exemple. Elle est aussi symbole d'abandon et de confiance, car, sans la patte, la griffe ou la main elle serait inculte.
Symbole de la fécondité, de régénération, associée à l'eau, l'air et le feu, elle a le pouvoir de créer, recréer, faire naître. Sans l'eau, la Terre n'existe pas.
La terre est de nature féminine et passive contrairement  au Ciel qui est actif et masculin. De leur association nait le monde entier.  Cependant de nombreux contes traditionnels tentent de les séparer :

Le ciel et la terre
En ce temps-là, il n'y avait pas encore d'hommes dans le monde, et le ciel et la terre formaient un ménage uni et heureux. Le ciel et la terre eurent cinq enfants: le roi soleil, le roi lune, le roi feu, le roi vent et le roi brouillard.
Tout alla bien tant que les enfants furent petits. Mais en grandissant, les rois commencèrent à se disputer parce que le ciel et la terre avaient aménagé entre eux un espace qui leur paraissait trop étroit, chacun voulant avoir sa propre demeure…
 Les querelles se succédèrent. A la fin, les enfants finirent par s'attaquer à leurs parents, responsables à leurs yeux.
Le roi Lune se précipita sur sa mère la terre, essayant de la pousser au loin pour la séparer davantage du Ciel. Il fut trop faible pour réussir.
 Dans le même but, le roi Brouillard et le Roi Feu  attaquèrent leur père, sans plus de succès.
Mais le Roi Soleil se fâcha et s'en prit lui aussi à la terre, qui commença à chanceler, si bien que le roi vent, profitant de cette faiblesse, s'élança à son tour. Soufflant de toutes ses forces, il réussit à séparer fortement ses parents l'un de l'autre…
Après ce résultat, les cinq rois recommencèrent à se quereller, chacun voulant prendre la meilleure place dans l'espace nouveau qui venait de se créer. Où s'installer? Qui resterait plus près de leur mère, la terre, et qui suivrait le ciel?  Pas moyen de s'entendre. Alors c'est la terre qui décida:
– Vous, le roi Soleil, roi Lune et roi Vent, vous avez attaqué votre mère. Allez-vous-en! Vous, roi Brouillard et roi Feu, restez avec moi.
Les cinq fils obéirent. Depuis ce temps-là, terre et ciel sont séparés, et les enfants sont en conflit perpétuel dans l'espace.  
Conte traditionnel roumain

La Terre est représenté par les chiffres 2 et 8 ; 2 est symbole de dualité, de diversification. C'est chaque chose et son contraire. Le 8 symbolise quant à lui l'équilibre, la vérité et la justice. La terre est lieu de passage, elle est l’intermédiaire entre haut et bas.
Elle forme dans son sein, grottes et  cavernes et permet ainsi  l’élévation de l’âme ou la descente aux enfers.
En effet, la caverne représente à la fois la voûte du ciel et la porte du royaume des ténèbres et des esprits. Elle évoque un certain mystère, l'idée de caches, de trésors, de bandits … caverne d'Ali Baba, parcours initiatique et mystérieux, être ou monstres maléfiques ou pas.
La terre est bleue comme une orange, mais sa couleur associée est le jaune, et elle est souvent symbolisée par le denier, c'est-à-dire un écu en or, elle recèle de trésors !

Le dragon gardien de trésor
Ce trésor que gardent les dragons, quel est-il ? Souvent enfoui au fond d'une caverne, symbole du cœur caché de la Terre, le héros doit mourir pour renaître, ou caché au fond des mers, le trésor (qu'il soit, selon les légendes, or, pierres précieuses ou Pierre du dragon, perle ou autres joyaux, Œuf de serpent ou oursin des mers) représente la vie intérieure, et les dragons qui gardent ces trésors, gardiens féroces d'un lieu interdit au profane, ne sont que les images de nos désirs et de nos passions qui nous empêchent d'accéder à ce qu'il y a au plus profond de nous. Descendre dans l'antre du Dragon, c'est sans doute descendre au fond de nous même pour nous préparer à recevoir la lumière. L'or, métal réputé inaltérable et pur, symbolise souvent sous différentes formes cette lumière, ce trésor à découvrir en nous-mêmes. Dans la mythologie grecque, il apparaît sous la forme des pommes d'or du Jardin des Hespérides que parvient à dérober Héraclès. Les pierres précieuses, autre forme de trésor enfoui au fond de l'antre du dragon, ne seraient-elles pas le pâle reflet de cette pierre symbolique : « pierre cachée des Sages », ou « pierre brute » ? Dans la tradition chinoise, le dragon veille sur la perle miraculeuse qui renferme la sagesse et la connaissance, pure comme l'or, symbole de perfection spirituelle et d'immortalité. Ce trésor est associé à la vie, à l'énergie vitale, à la lumière, au bonheur, à la vertu, à tout ce qui est positif et digne d'être recherché.

La perle du dragon rappelle aussi l'escarboucle que porte au front la Vouivre, et qui lui permet de voir et de se diriger. La mission essentielle du Dragon-gardien de trésor est de tuer tous ceux qui convoitent celui-ci, et qui ne possèdent pas un cœur assez pur. Seul le héros, celui qui a été élu par les Dieux, du fait même de sa sincérité et de la pureté de son cœur, pourra, grâce à des artifices, et souvent grâce à l'aide d'une femme, s'emparer du trésor et accéder à l'immortalité de l'âme et à la Connaissance suprême.
En tant que gardien de trésor, le dragon préserve ce qui est essentiel dans les êtres et les choses.

Le dragon n’est pas seul à veiller sur les grottes, on y rencontre aussi des représentants du petit peuple tels que les elfes, trolls, korrigans, nains….

Dans Le conte de Gabalis d’Henri de Montfaucon de Villars (1670) on peut lire :
 " […] La terre est remplie presque jusqu'au centre de Gnomes, gens de petite stature, gardiens des trésors, des minières et des pierreries. Ceux-ci sont ingénieux, amis de l'homme et faciles à commander. Ils fournissent aux enfants des Sages tout l'argent qui leur est nécessaire et ne demandent guère pour prix de leur service que la gloire d'être commandés. Les Gnomides,  leurs femmes sont petites, mais fort agréables, et leur costume est fort curieux… "

Le gnome est l’une des nombreuses petites créatures surnaturelles, semblables mais un peu différentes d’autres créatures, dont notamment les nains et gobelins, avec lesquels il est souvent confondu. Selon d’autres interprétations encore, les gnomes seraient des nains, laids, difformes, malicieux et méchants ou bien ils appartiendraient à la catégorie des génies qui, selon la Kabbale, détiendraient sous terre des trésors de pierres et métaux précieux.

Les présents des gnomes
Un tailleur et un forgeron voyageaient ensemble. Un soir, comme le soleil venait de se coucher derrière les montagnes, ils entendirent de loin le bruit d'une musique qui devenait plus claire à mesure qu'ils approchaient. C'était un son extraordinaire, mais si charmant qu'ils oublièrent toute leur fatigue pour se diriger à grands pas de ce côté. La lune était déjà levée, quand ils arrivèrent à une colline sur laquelle ils virent une foule de petits hommes et de petites femmes qui dansaient en rond d'un air joyeux, en se tenant par la main ; ils chantaient en même temps d'une façon ravissante, et c'était cette musique que les voyageurs avaient entendue. Au milieu se tenait un vieillard un peu plus grand que les autres, vêtu d'une robe de couleurs bariolées, et portant une barbe blanche qui lui descendait sur la poitrine. Les deux compagnons restaient immobiles d'étonnement en regardant la danse. Le vieillard leur fit signe d'entrer, et les petits danseurs ouvrirent leur cercle. Le forgeron entra sans hésiter : il avait le dos un peu rond, et il était hardi comme tous les bossus. Le tailleur eut d'abord un peu de peur et se tint en arrière; mais, quand il vit que tout se passait si gaiement, il prit courage et entra aussi. Aussitôt le cercle se referma, et les petits êtres se remirent à chanter et à danser en faisant des bonds prodigieux; mais le vieillard saisit un grand couteau qui était pendu à sa ceinture, se mit à le repasser, et quand il l'eut assez affilé, se tourna du côté des étrangers. Ils étaient glacés d'effroi; mais leur anxiété ne fut pas longue : le vieillard s'empara du forgeron, et en un tour de main il lui eut rasé entièrement les cheveux et la barbe; puis il en fit autant au tailleur. Quand il eut fini, il leur frappa amicalement sur l'épaule, comme pour leur dire qu'ils avaient bien fait de se laisser raser sans résistance, et leur peur se dissipa. Alors il leur montra du doigt un tas de charbon qui était tout près de là, et leur fit signe d'en remplir leurs poches. Tous deux obéirent sans savoir à quoi ces charbons leur serviraient, et ils continuèrent leur route afin de chercher un gîte pour la nuit. Comme ils arrivaient dans la vallée, la cloche d'un monastère voisin sonna minuit : à l'instant même le chant s'éteignit, tout disparut, et ils ne virent plus que la colline déserte éclairée par la lune.
Les deux voyageurs trouvèrent une auberge et se couchèrent sur la paille tout habillés, mais la fatigue leur fit oublier de se débarrasser de leurs charbons. Un fardeau inaccoutumé qui pesait sur eux les réveilla plus tôt qu'à l'ordinaire. Ils portèrent la main à leurs poches, et ils n'en voulaient pas croire leurs yeux quand ils virent qu'elles étaient pleines, non pas de charbons, mais de lingots d'or pur. Leur barbe et leurs cheveux avaient aussi repoussé merveilleusement. Désormais ils étaient riches; seulement le forgeron, qui, par suite de sa nature avide, avait mieux rempli ses poches, possédait le double de ce qu'avait le tailleur.
Mais un homme cupide veut toujours avoir plus que ce qu'il a. Le forgeron proposa au tailleur d'attendre encore un jour et de retourner le soir près du vieillard pour gagner de nouveaux trésors. Le tailleur refusa, disant :
–  J'en ai assez, et je suis content; je veux seulement devenir maître en mon métier et épouser mon charmant objet (il appelait ainsi sa promise) ; et je serai un homme heureux. » Cependant pour faire plaisir à l'autre, il consentit à rester un jour encore.
Le soir, le forgeron prit deux sacs sur ses épaules pour emporter bonne charge, et il se mit en route vers la colline. Comme la nuit précédente il trouva les petites gens chantant et dansant ; le vieillard le rasa et lui fit signe de prendre des charbons. Il n'hésita pas à emplir ses poches et ses sacs, tant qu'il y en put entrer, s'en retourna joyeux à l'auberge et se coucha tout habillé.
–  Quand mon or commencera à peser, se dit-il, je le sentirai bien ; » et il s'endormit enfin dans la douce espérance de s'éveiller le lendemain matin riche comme un Crésus.
Dès qu'il eut les yeux ouverts, son premier soin fut de visiter ses poches; mais il eut beau fouiller dedans, il n'y trouva que des charbons tout noirs.
–  Au moins, pensait-il, il me reste l'or que j'ai gagné l'autre nuit. » Il y alla voir; hélas! Cet or aussi était redevenu charbon. Il porta à son front sa main noircie, et il sentit que sa tête était chauve et rase ainsi que son menton. Pourtant il ne connaissait pas encore tout son malheur : il vit bientôt qu'à la bosse qu'il portait par derrière s'en était jointe une autre par devant.
Il sentit alors qu'il recevait le châtiment de sa cupidité et se mit à pousser des gémissements. Le bon tailleur, éveillé par ses lamentations le consola de son mieux et lui dit :
–  Nous sommes compagnons, nous avons fait notre tournée ensemble ; reste avec moi, mon trésor nous nourrira tous deux. »
Il tint parole, mais le forgeron fut obligé de porter toute sa vie ses deux bosses et de cacher sous un bonnet sa tête dépouillée de cheveux.
Les frères Grimm.

La terre est bleue comme une orange et elle tourne. On peut se l’approprier un peu mais ne jamais la voler. Elle est fixe, stable, immuable et porte en elle aussi bien le sommet des montagnes que les mondes souterrains ; elle est médiatrice et femme féconde…