Les quatre amis
Conte traditionnel du Tibet
dans « contes tibétains – Akhu Tonpa et le riche cavalier »
Choisis, traduits et adaptés par Corneille Jest
Neuf, de l’école des loisirs
Il y a bien longtemps, s’étaient liés d’amitié un éléphant, un singe, un lièvre et un faisan.
Un jour, le faisan s’éleva très haut dans les airs, par-delà les nuages, et rapporta dans son bec une graine. C’était une graine d’un arbre magique qui pouvait vivre éternellement et donner des fruits toute l’année.
Le lièvre, fort intelligent, comprit qu’il fallait mettre la graine en terre, comme le font les hommes. Le singe, lui, la fuma tous les jours pour qu’elle se développe bien, et l’éléphant l’arrosa régulièrement, en puisant avec sa trompe de l’eau d’une rivière qui coulait près de là. La graine devint pousse, la pousse plante, puis arbre et celui-ci grandit rapidement. Bientôt, il commença à donner des fruits. En voyant les beaux fruits mûrs, le faisan pensa : « C’est moi qui ai apporté la graine, cette action me revient, et les fruits sont à moi ! »
Et, tous les jours, il se posa sur la cime de l’arbre pour déguster les fruits les plus mûrs.
Le singe, très agile, grimpa sur l’arbre et croqua les fruits à sa guise. N’avait-il pas fumé la pousse de l’arbre chaque jour ?
L’éléphant secoua les branches pour ramasser aussi quelques fruits.
Seul le lièvre, incapable de voler, de grimper ou de secouer l’arbre, ne pouvait que regarder les fruits de l’arbre sans pouvoir les atteindre.
Mais l’arbre continua à pousser et, un jour, il fut si haut que même l’éléphant n’arriva plus à atteindre les branches lourdes de fruits.
Le plus grand et le plus fort des animaux se plaignit alors au faisan et au singe :
– Tout cela est injuste ! Vous seuls pouvez manger des fruits de cet arbre si haut, alors que nous avons tous les quatre contribué à le faire pousser.
– Oui, et moi je n’ai jamais mangé que quelques feuilles tombées à terre ! ajouta le lièvre, furieux.
Comme le faisan et le singe ne voulaient rien entendre, l’éléphant et le lièvre demandèrent l’avis d’un pieux ermite qui vivait non loin dans une grotte.
– Ne vous disputez pas ! Autrefois, il n’existait pas ce genre d’arbre merveilleux dans le monde. D’où vient cet arbre, comment a-t-il poussé ? Dites-le moi et peut-être trouverai-je un moyen de vous aider tous les quatre.
– Vénérable ermite, jadis cet arbre n’existait pas dans le monde. C’est moi, faisan, qui en ai rapporté la graine de la région éthérée. cette bonne action ne me donne-t-elle pas le droit de manger ses fruits ? demanda l’oiseau.
– C’est moi qui ai planté la graine ! mais je n’ai pas goûté un seul fruit, seulement quelques feuilles tombées à terre. Trouvez-vous cela très juste ? ajouta le lièvre.
– Sans le fumier répandu à ses pieds, comment cet arbre aurait-il pu pousser si haut ? poursuivit le singe.
– Et pendant les temps de sécheresse, qui a transporté quotidiennement de l’eau pour l’arroser ? Sans elle, comment cet arbre aurait-il pu pousser si haut ? Et même trop haut, s’indigna l’éléphant.
– D’après ce que j’ai entendu, répondu l’ermite, vous avez tous les quatre contribué à la croissance de cet arbre aussi magnifique que rare. Chacun donc a le droit de manger ses fruits ! Ne vous disputez pas et trouvez une solution pour que votre amitié perdure.
Après avoir écouté les paroles du vénérable ermite, le lièvre proposa :
– Pour cueillir les fruits, le singe se dressera sur le dos de l’éléphant, moi sur le dos du singe et le faisan sur mon dos. Une fois les fruits cueillis, le faisan me donnera des fruits, je les donnerai au singe, le singe à l’éléphant. tous les quatre, nous pourrons ainsi déguster les fruits de cet arbre.
Ainsi fut fait.
Dès lors, l’amitié du faisan, du singe, de l’éléphant et du lièvre fut indéfectible.
Et c’est pourquoi, aujourd’hui encore, dans le vestibule de tout sanctuaire, une fresque représentent les quatre animaux réunis pour rappeler les vertus et les devoirs de l’entraide et de l’amitié.