Compte-rendu des ateliers suivis par Monique et Cecilia
le 8 décembre 2010 lors de la manifestation ''les 1001 vies du conte''
organisée par Mondoral, à l'Université Paris Diderot
''le style oral''
Atelier animé par Bruno de La Salle, conteur et directeur du centre de littérature orale à Vendôme (CLIO)
Thème: l'écriture orale
Le conte est un art c'est une matière qu'on peut façonner.
La matière : la parole, le langage
Les formes : 1) l'écriture (la vue) 2) qui devient oralité (ouïe, voix ,bouche).
Ces deux formes utilisent le même fond syntaxique, mais se servent de moyens de transmission et de perception différents (vue /ouïe).
La transmission orale = technique, pratique d'un art
Règle qui encadrent une pratique élaborée et efficace de la parole.
Nous sommes des enfants de l'écrit. Nous vivons dans une société de l'écriture.
Les villes deviennent des livres, ds la ville l'écriture est partout, elle remplit les rues.
Maintenant, la parole n'a pas d'engagement (autrefois, on donnait sa parole). La parole, au contraire de l'écrit, aujourd'hui n'a plus de valeur.
Le conteur représente la ''parole de distraction'' : → dévalorisation de la parole.
L'oralité commence dans le ventre de la mère.
Petite digression autour du livre de Ray Bradburry, Farenheit 451.
En deux mots :
Comme les livres vont être brûlés, souhait de sauver des chefs d'œuvres de la littérature : des hommes ''mémoires'' vont apprendre les livres par cœur !
C'est ce roman qui a inspiré le nom du laboratoire du CLIO ''atelier Farenheit 451''
Littérature : pratique du langage.
S'il n'y avait pas eu de livres, il n'y aurait pas eu de contes.
Langage : transmission de la pensée. Celui qui conte engage sa pensée.
Qu'apporte le conte aujourd'hui?
Le conte est vivant,on peut échanger, interrompre, dialoguer.
L'oralité s'inscrit dans l'instant, à la différence du livre ou de n'importe quelle reproduction.
L'oralité s'inscrit dans la durée. Elle est en pointillé, c'est une suite d'images, d'émotions,de sensations.
Dans les mots dits, il y a une organisation syntaxique, musicale avec aussi du souffle, la capacité
pneumatique (tout cela se construit par de l'écrit). Exercice sur l'écriture orale :
Paule Latorre, conteuse qui fait partie de l'atelier Farenheit 451, nous présente sa façon d'aborder une version africaine du chat botté : les nuits de de Zanzibar (un sultan et une gazelle), dans ''contes swahili''
– Henri Tourneux. . Elle a réécrit l'histoire avec un parti pris, une contrainte : écrire chaque ''idée'' avec des
phrases de 9 syllabes et de 4 vers, ce qui donne à la phrase un rythme particulier: 4-5 ou 5-4 ou 6-3 ou 3-6 ou 9.
Bruno de La Salle analyse de façon très pointue le début du récit réécrit par Paule Latorre.
Il ne s'agit pas de poésie, mais d'oralité élaborée: l'écriture est une partition.
Dans une phrase, il n'y a pas que les silences qui séparent les mots, mais aussi l'accent, l'intonation,
l'harmonie, la mélodie de la parole.
On trouve 4 paramètres musicaux valables pour la parole : l'intensité, la durée, le timbre, la hauteur.
''Conversation'' – état du conte et du conteur
A l'heure du ''sandwich''nous écoutons ces échanges libres et intéressants, en mastiquant !
Conversation entre :
Christian Tardif :conteur
Nathaël Moreau: oralo scriptologue (oui oui, ça existe)
Anne Sophie Haeringer: doctorante en sociologie à Lyon II
Anne Sophie: pense qu'il faudrait que le conte sorte de ce rôle pédagogique, social, thérapeutique qu'on veut souvent lui donner !
Comment vient on au conte ?
Dans l'écrit, il y a une fixation.
L'oral est une remise en cause de l'écrit: il est altérité.
– un conteur joue avec les différentes versions d'un même conte (ex de Blanche Neige dont il existe de multiples versions dans le monde).
Le conteur est un passeur. Il a une capacité à imaginer, à écouter.
Anne Sophie a travaillé avec des ethnologues ; souvent le conteur s'efface pour laisser la place au conte.
Mais voici l'expérience de Geneviève Calame Griaule (ethnolinguiste) :
Elle a travaillé avec une conteuse aveugle, cette conteuse prend vie et existe quand elle sent l'attention particulière et l'amitié de Geneviève C.G. (contes du Sahel)
Christian Tardif nous parle de la globalité du conteur : souffle, voix, geste; il parle de la ''patine'' du conteur.
Question récurrente : quelle est la différence entre comédien et conteur?
Il y a un acteur conteur…
Le conteur est un comédien qui esquisse plusieurs personnages.
Le conteur est auteur, il y a un jeu d'improvisation autour d'une trame.
Remarque de Peter Brook: pour faire du théâtre, il faut être au moins deux sur scène
Conclusion: s'il y a des frontières il faut les transgresser !
''Initiation à la première parole''
Atelier animé par Agnès Hollard, conteuse qui a travaillé avec Bruno de La Salle
Cet atelier propose de partager un héritage dispersé, à travers des propositions concrètes, et d'ouvrir les voies de l'improvisation et de l'invention.
Il existe dans chaque maison des traditions orales (depuis très longtemps): comptines, jeux de doigts.
Eugène Rolland, 1883 rimes et jeux de l'enfant
Roger Cailloix:, les jeux
Montel et Lambert, 1880:chants populaires du Languedoc
la mise en pratique : rythme mouvement, geste…
Le rythme: il est partout ! – rythme de nos actions
– rythme du temps(montre, horloge)
– rythmes du dehors (rue, activité humaine)
Les bébés ne comprennent pas ce que nous leur disons, alors importance du rythme: (ils ont le leur)
Il faut que ce que l'on leur propose soit plus important que ce qu'ils étaient en train de faire… la magie doit opérer!
Les expériences rythmiques : le rythme, c'est la vie pour le bébé aussi ! Rythme du cœur, de la
respiration, rythme des biberons, des tétées.
On retrouve du rythme :
– dans les comptines
– dans les bercements(1-2 ou 1-2-3..)
organisation de la séance
Il faut un espace cohérent organisé et beau. Les enfants ont leur espace, le conteur a le sien.
Importance de la disponibilité physique du conteur: il faut accueillir, peut être toucher ?
Importance de la lenteur.
Les jeux: :
comptines rythmées avec rupture de rythme : il y a anticipation du bébé
jeux de visage, genoux, sur table
Nous échangeons beaucoup sur les jeux de doigts de visage etc… (documentation jointe)
''la dernière séance''
Atelier animé par Pépito Matéo
Pépito nous explique que le titre a été donné à cet atelier en écho au fait que 2010 /2011 est sa dernière année d'enseignement à l'université. En revanche, il continue son métier de conteur.
La transmission
Pépito apprécie le théâtre brechtien, parce que c'est un théâtre engagé politiquement. Brecht a observé les conteurs chinois qui expriment leur point de vue dans leurs contes.
Dans le théâtre de Brecht, l'acteur peut se positionner par rapport à son texte.
Le conteur se positionne : deux données : l'intelligence et l'imaginaire.
Le conteur peut prendre toutes les positions, les points de vue présents dans l'histoire, et pourtant, il n'est pas l'histoire. Cf le théâtre de l'éducation populaire de Vilar.
Théâtre physique (et non psychologique) : le corps de l'acteur ''parle'', l'acteur doit faire appel à son corps pour créer des images.
L'imaginaire = créer des images = ramener au présent ce qui est présent.
Comment s'écrit l'oralité ?
Pépito raconte qu'on lui a dit qu'un conteur ne doit pas faire gestes, qu'il doit rester ''sobre''. Il nous
propose alors un petit exercice :
Nous nous mettons par groupe de deux. Chacun doit dire à l'autre un petit conte de 3mn. Nous constatons tous que nous faisons des gestes, nous engageons notre corps pour ''convaincre'', pour appuyer notre récit.
On se laisse impressionner par son conte. Les images affleurent dans notre corps, d'où l'importance des gestes.
L'importance de communiquer, c'est-à-dire aller au-delà de l'information, faire passer des sensations, des images : conviction, engagement de soi et de son corps.
On peut parler de découpages, de plans, comme au cinéma. Le conteur est maître du temps et de
l'espace. Il nous fait passer d'un temps, d'un espace à l'autre. Il nous apporte une ''réalité''.
Etre conteur, c'est raconter une histoire en se positionnant, en direct, en public. Le conteur est un auteur en direct, qui manifeste des choses par son corps, sa voix, ses propres images.
Une histoire ancienne peut devenir actuelle parce qu'on la raconte ici et maintenant.
Exercice sur les images mentales : Pépito nous demande de fermer les yeux et nous propose à voix haute plein de sensations, de situations à imaginer mentalement.
Le conteur est son propre metteur en scène, son propre décorateur. Il peut faire intervenir les personnages qu'il a en lui : faire appel à ce qu'on sait faire soi-même et rendre son récit présent pour ceux à qui on le raconte.
Transmission : se servir de ce qu'on a attrapé ici ou là et construire son histoire.
''L'expérience chinoise'' – chinese storytelling
Ma Xiaolong – conteur chinois
Abbi Patrix – conteur, directeur de la Maison du Conte
Vibeke Børdahl – spécialiste du chinese storytelling
Le chinese storytelling est une tradition de conte qui se transmet de génération en génération.
Narration en chinois : le conteur s'installe dans la maison du thé, et il y conte deux heures par jour
pendant 6 mois.
Tout est très codifié.
Il faut les accessoires du conteur, toujours les mêmes :
– la pierre, qu'on frappe sur la table pour imposer le silence et demander l'écoute. C'est un
instrument qui lance le récit, ou qui le relance au cours de la narration. C'est un instrument
dramatique et non rythmique.
– le mouchoir : il sert à s'éponger le visage, mais il peut aussi symboliser un livre, une lettre…
– l'éventail : pour s'éventer, mais peut aussi symboliser un stylo, une arme…
– une table sur laquelle sont posés tous les accessoires et derrière laquelle le conteur est installé.
– une chaise haute, afin que la respiration reste libre.
– le costume du conteur : costume de l'homme traditionnel
– des chaussures traditionnelles, aux semelles de coton.Les positions du conteur suivent des règles très précises.
La bouche doit être très expressive : les mots sortent de la bouche.
La main, les gestes : tous les gestes doivent être contenus dans l'espace délimité par la table.
Le corps tout entier : chaque mouvement correspond à une action du récit, la façon de placer les pieds, de croiser les jambes… Il arrive que le conteur reste à sa table pendant 6 heures.
Tout est relié : le corps, les gestes, la position : ce sont des conventions d'attitude.
Le regard doit toujours être en accord avec les gestes, aller dans la même direction que la main, le bras.
Les onomatopées sont également codifiées.
Selon le moment du récit, de l'action, le conteur fait une ''bouche ronde'' ou une ''bouche carrée''.
Utilisation du dialecte.
Pour chaque personnage, le conteur a recours à une façon de parler particulière.
Ma Xiaolong illustre ces règles en contant en chinois plusieurs passages d'une épopée traditionnelle très connue en Chine. Même si nous ne comprenons pas les mots, nous suivons l'histoire, nous sommes
captivés par sa voix, sa gestuelle, sa présence.